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L’Avenue du Mont-Royal
Nouvelles

Trois questions à Castor et Pollux

17 août 2020

L’Avenue du Mont-Royal a confié à cinq collectifs de designers et d’artistes le mandat d’habiter son territoire piétonnier pour tout l’été et de proposer des aménagements et des œuvres qui incitent à la pause, à la découverte et même au jeu tout en respectant les mesures préconisées par la Santé publique. Castor & Pollux fait partie des cinq collectifs qui ont accepté de relever ce défi. Nous sommes allés à leur rencontre ...

Comment avez-vous abordé ce projet pour l’Avenue ?

Accoutumé de la grande échelle, de l’urbanisme tactique et de l'amélioration de l’expérience citoyenne, nous avons participé à la piétonnisation de l’avenue en trois temps : l’accompagnement dans la conception du plan d’ensemble, la mise en perspective du marquage sur le linéaire de l’Avenue et la création de la signalétique urbaine. L’avenue, c’est 2,5 km. d’espace public, un axe central et remarquable dans Montréal, une rue fédératrice où l’on se croise, où l’on jase, où l’on se promène. Sa piétonnisation est une décision manifeste à laquelle nous sommes fiers d’être associé.
Au service de la ligne directrice « Le courant » nous avons développé le plan d’ensemble fédérant les acteurs du projet. A l’échelle de l’arrondissement, nous avons identifiés six séquences urbaines allant de la Promenade montréalaise entre St-Laurent et St-Denis au Cœur de village entre Papineau et de Lorimier en passant par la Terrasse à ciel ouvert entre Christophe-Colomb et Garnier. De ces six segments identitaires ont émergé des balises guidant chacune des interventions envisagées.
Un fil d’eau est né, oscillant d’un bout à l’autre de l’Avenue, il dessert les temps forts, offre des respirations, favorise la distanciation physique au profit du rapprochement social et génère une expérience cohérente d’est en ouest. C’est lui qui a guidé l’implantation du marquage au sol, une trentaine d’artistes produits par MU, investissent les méandres bleus de l’avenue. Implanté par notre équipe, ce cours d’eau s’installe entre les terrasses, les commerces et les aménagements existants et prévus.
Pour annoncer ce fluide piéton, nous avons développé deux objets signalétiques : les entrées principales visibles de loin depuis les grosses artères et les entrées secondaires créant de micro-espaces de rencontre à l’échelle du quartier. Reprenant l’identité forte de l’Avenue, les deux objets emblématiques sont installés à la confluence des voies circulées et du fil de l’eau. S’ils sont supports de communications, ils favorisent également l’appropriation en prenant différentes fonctions de mobilier, d’assises, de tables, de scène ou de jeu. Comme des bouées ou des quais, ces balises placées dans le courant permettent au flux de passants de prendre une pause tout en apprenant plus sur la piétonisation de l’Avenue et ses différents concepteurs.

La ville de Montréal (comme beaucoup d'autres villes dans le monde) teste de nouvelles approches urbanistiques; quels sont pour vous les défis et opportunités liés à ces nouveaux espaces d’interventions ?

Si Cette période de pandémie amène des contraintes sanitaires nouvelles, elle ouvre également un champ d’expérimentation du côté de l’espace public. Lors du confinement, aux mois de mars-avril, alors que les autos étaient immobilisées et que les piétons voyaient leur liberté de mouvement réduite par les consignes de distanciation, il est apparu évident qu’il fallait attribuer aux piétons une partie de la place habituellement réservée aux autos. Il fallait agir et de façon urgente.
Si ces nouveaux espaces d’intervention comportent de nombreux défis, c’est surtout dans le procédé de conception et de fabrication que nous avons dû être innovants, souples et flexibles. Cette situation était exceptionnelle à bien des égards. Si l’urgence a depuis longtemps été intégrée à la pratique architecturale, elle n’a jusqu’ici jamais concerné les espaces publics. Or, c’est bien de cela dont il s’agit, réinventer des lieux publics capables d’accompagner cette transition sociétale vers un après, encore incertain dans des délais sans précédent.
On s’est vu livrer un premier projet de Rue active et familiale dans un délais de 4 jours incluant conception, validation, fabrication et installation ! C’est dans cette urgence que l'on a embarqué avec l’équipe de la SDC Mont-Royal pour le plan d’ensemble, la conception globale du marquage au sol et la signalétique. Un projet qui aurait habituellement vu le jours en plus de 6 mois.
Le défi se trouve dans notre capacité à être rapide, très rapide, à être en permanence aux aguets prêt à réagir. Effectivement l’urgence est telle que tous les acteurs s’impliquent à leur façon dans un souci de solidarité, engagés dans une même cause. Concevoir l’espace public implique habituellement un travail d’équipe où chaque acteur se succède. La naissance de ces nouveaux espaces voit le jours dans un fonctionnement beaucoup plus organique, où nous travaillons tous ensemble au service du projet. La mise en place de plan d’ensemble “stable” étant presque impossible, nous sommes en permanence en réaction à ce que nous découvrons sur le terrain, nous réalisons comme des maquettes à l'échelle 1 sur lesquels nous devons être capable d’intervenir en temps réel. L’objectif : tester, évaluer, bonifier !
Castor et Pollux développe des projets de paysage tactique depuis 4 ans. Notre approche de l’urbanisme tactique inclut le territoire naturel et le vivant et vise à réaliser des aménagements d’espaces publics transitoires. Ce processus de projet hyper dynamique s’appuyant sur l’expérience citoyenne, encore marginale il y a un an, devient le bon outil pour tester de nouvelles configurations urbaines dans le cadre de la pandémie. Pour nous, la distanciation physique a généré une réelle opportunité. La création des voies actives et sécuritaires favorisant l’appropriation de l’espace public, la mobilité active et le jeu libre avec des outils de transformation temporaire correspond à notre habituelle mission. Ça a été pour nous l’occasion de démultiplier nos projets, d’agrandir notre équipe et d’adapter nos outils de travail pour être en mesure de livrer ces projets dans l’urgence de la situation.

La ville de vos rêves est …

La ville de nos rêves n’existe pas, bien entendu. Elle est une ultime combinaison entre plusieurs “villes de rêve”. Pour nous ce serait, un mélange entre Paris, Tananarive, Montréal et Saint-Georges. Paris pour son patrimoine culturel, ses pierres et son fleuve fédérateur, Tananarive pour son occupation urbaine en connexion total avec la topographie, le territoire donc, construite sur les collines et cultivée dans les vallées. Montréal pour sa parfaite densité, ses ruelles et ses jardins ininterrompus. Saint-George (à Grenade au sud des Caraïbes) pour sa splendide relation à l’eau où la plaisance, le tourisme, le commerce et les transports se mêlent comme une évidence déconcertante. Une ville pluriculturelle ancrée et développée sur son territoire naturel.

Castor et Pollux
Castor et Pollux, agence de paysage et de design urbain, est une constellation de concepteurs engagés autour d’une vision : transformer la ville en s’appuyant sur son territoire naturel et sur l’implication citoyenne. Réunis au sein d’une coopérative à but non-lucratif, ce sont six acteurs au service de la ville durable : complémentaires et visionnaires !
• Leur défi actuel : offrir la rue aux piétons, redonner un droit à la ville en révélant les atouts du paysage urbain en réponse aux exigences sanitaires liés à la pandémie.
• Leur principal outil et leur distinction : le paysage tactique
• Leur stratégie : Travailler dans un dialogue constant avec tous les acteurs du projet de la grande à la petite échelle
• Leur terrain de jeu actuel : l’espace public d’urgence.

Photos : Latrompette Studio

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