Latrompette Studio
Rencontre avec le calligraphe Romain Boz
Nous avons rencontré le calligraphe Romain Boz, membre du projet Garbage Beauty, qui termine en ce moment la réalisation du parchemin calligraphié. Nous avons discuté de sa pratique artistique et du projet qu’il réalise sur le sol de l’Avenue, qui est le plus long projet auquel il a été invité à collaborer !
Qu’est-ce qui a attiré Romain dans le projet d’histoire de l’Avenue ?
Romain se considère comme un apprenti calligraphe. C'’est un processus assez lent la calligraphie, c’est méthodique et discipliné. Dans ce projet, il y a un impératif, il y a beaucoup de terrain sur lequel écrire, c’est un marathon, un chantier de plus d’un mois, ce qui n’est pas dans les habitudes de Romain qui consacre moins de temps à ses projets, de l’ordre de 3-4 jours. Ce projet sur l’Avenue représente un très grand entrainement pour lui.
Il est aussi content que le projet ne soit pas seulement décoratif. On voit de nombreux projets de calligraphie qui sont purement décoratifs avec des rosaces ou des mandalas. Romain considère la calligraphie, l’écriture, la typo, le texte, comme la forme visible du langage. Une belle façon de présenter le langage dans ces plus beaux plumages. C’est important pour lui de partager du contenu. Il est très heureux de prêter son savoir-faire à l’histoire de Montréal et aux auteurs.
Il rencontre beaucoup de personnes en travaillant dans la rue. Elles s’arrêtent et discutent. Par exemple, lorsqu’il travaillait sur le texte au croisement avec la rue de Bordeaux, qui parlait de Monsieur Steinberg, une femme lui a expliqué qu’il était une personne à qui elle était très reconnaissante. Elle était émue de raconter que ce monsieur mettait des personnes francophones à la direction de ses épiceries. Romain était très heureux de nous raconter ces rencontres. Avec le projet du parchemin historique sur l’Avenue, il touche les souvenirs des personnes du quartier et les fait voyager dans le temps. Depuis la toute première semaine, il a reçu beaucoup de témoignages.
Ce qui l’attirait également dans ce projet c’était de sortir de sa zone de confort. Il est connu pour la calligraphie qu’il fait sur des encombrants et des déchets de la rue, c’est éphémère et parfois les gens ne voient pas son travail, car le tout a déjà été ramassé par un camion de la ville. Ici, son travail est à une échelle monumentale et il le vit vraiment comme l’ajout d’une nouvelle corde à son arc. Il intègre un support inédit, le sol d’une avenue de 2.5km, à son portfolio. Il est heureux de voir que les personnes qui font de la calligraphie s’intéressent à ce travail, qui détache la calligraphie du papier et qui l’apporte dans la rue. Ils trouvent ça vraiment intéressant et plus accessible, ça désacralise la pratique. Romain est également heureux de participer à la lecture des textes qui parlent du patrimoine et qui partagent l'histoire du quartier.
Romain a été assisté de Louis Letters, un artiste et un lettreur montréalais. Romain est très heureux d’avoir pu travailler avec Louis, car c’est un artiste qui connait bien la typographie. C’est un artiste qui a un univers très reconnaissable et qui touche à de nombreux supports différents.
Un défi que Romain a eu besoin de relever durant cette expérience c’est d’ajuster sa position de travail et la façon dont il tient son pinceau pour éviter de fatiguer son corps trop vite. Il a confectionné un siège roulant spécifiquement pour être confortablement installé proche du sol et contrer le côté bombé de la rue. Un second défi technique a été de trouver la bonne consistance de peinture pour permettre une belle définition de son trait. Il ne voulait pas une peinture trop diluée non plus, car, même si Louis repasse une deuxième couche sur ses lettres, on souhaite dans ce projet que la peinture au sol reste tout l’été. Romain a également réalisé un pochoir qui lui permet de tracer des lignes au sol pour guider sa rédaction.
Le projet devrait se terminer bientôt puisque Romain arrive bientôt à l’avenue Saint-Laurent. On le félicite pour son endurance et la réalisation de ce magnifique projet !
À propos du projet Garbage Beauty :
Romain faisait du tag depuis quelque temps et avait toujours un marqueur dans la poche pour écrire son nom un peu partout. C’est un projet en commun avec son ami Vince. Vincent Box et Romain Boz se sont rencontrés au travail. C’est en découvrant le travail du calligraphe italien du nom de Luca Barcellona que les deux amis décident de suivre des cours de calligraphie avec Marco Chioini à Montréal.
Une complicité et une compétition amicale se développent entre Romain et Vince, à la sortie d’un cours, Romain décide d’écrire en calligraphie sur un meuble abandonné. Il n’avait pas osé jusque maintenant par peur de se faire arrêter, car écrire en calligraphie prend plus de temps d’un tag. Vince est vraiment inspiré en voyant son ami, propose d’adapter les textes pour leur donner du sens par rapport aux objets. Vincent Box a quitté Montréal il y a quelques années, bien qu’il soit revenu à Montréal pour quelques projets artistiques, notamment avec le projet Surface au Quartier des Spectacles.