Portrait d'une femme entrepreneure : Boutique Séduction
C’est déjà le quatrième et avant-dernier portrait de notre série d’entretiens qui présente les femmes entrepreneures de notre chère Avenue du Mont-Royal.
Aujourd’hui nous allons parler de santé et d’érotisme, car nous avons rencontré Edith Arsenault propriétaire de la Boutique Séduction, située au 723 ave Mont-Royal Est.
Souvent vue comme tabou, Edith nous a rappelé que la santé sexuelle est très importante pour notre équilibre et notre santé globale. Être épanoui, connaitre et formuler ses besoins, ses désirs et ses envies, mais aussi oser essayer de nouvelles expériences dans son intimité, fait aussi partie de la construction de son bonheur.
On remercie Edith qui a pris le temps de répondre à nos questions.
-Qu’est-ce qui vous a amené à vous lancer dans l’aventure de l’entrepreneuriat ?
Je suis issue d’une famille en affaire. J’ai grandi entourée d’entrepreneurs et j’ai repris l’entreprise familiale avec mon frère Julien. C’était mon beau-père qui en était propriétaire et fondateur.. Je travaille pour l’entreprise depuis 20 ans et ça va faire quelques années que j’ai racheté avec mon frère les actions de façon officielle. L’entrepreneuriat me passionne et encore plus dans un contexte familiale; j’ai même, en parallèle,construit une autre entreprise qui avait pour mission d’accompagner de jeunes entrepreneurs à reprendre une entreprise familiale. Je me suis départie de cette entreprise depuis.
J’ai pu prendre conscience de comment les choses se déroulait en magasin durant mes études alors que j’accumulais un peu d’expérience en tant qu’employée sur le plancher. Une fois mes études terminées, j’ai sauté à pieds joints dans l’entrepreneuriat. Il faut savoir que lorsque j’ai pris ma place comme gestionnaire pour l’entreprise familiale, j’avais 150 employés à ma charge; je devais rapidement acquérir des capacités et des habiletés qui me permettraient d’être à la hauteur des membres de la compagnie et m’assurer de leur apporter une plus-value. J’ai toujours démontré du leadership dans mes projets comme dans les sports que je pratique! J’aime également m’investir dans d’autres types d’organisations et siéger sur des conseils d’administration ou même dans la position de vice-présidente pour la Jeune Chambre de Commerce de Montréal. Ces expériences m’ont permis de développer mes connaissances et de mieux performer en tant qu’entrepreneure.
En ce qui a trait à mon flambeau, mon objectif de vie et ma vision, il s’agit vraiment de démystifier le bien-être sexuel auprès des Québécois. Pour moi, la santé sexuelle devrait avoir la même importance que la santé mentale. C’est une question de désir, de plaisir, d’épanouissement et même de communication. Je souhaite éduquer et bien faire comprendre le message; que prendre soin de ses besoins sexuels et chercher à s’épanouir dans son intimité, c’est aussi penser à sa santé globale.
Notre souci et notre sérieux à ce sujet est tel que c’est en fait une sexologue qui dirige nos employé.e.s en magasin. Ainsi, nous nous assurons que nos équipes reçoivent de l’information précise mais surtout professionnelle. D’ailleurs, plusieurs personnes qui travaillent en boutique sont également des étudiants en sexologie. On aime pouvoir interagir avec nos client.e.s en utilisant les termes justes, ce qui les aide à se sentir plus à l’aise dans l’expression de leurs demandes. Et puisque l’éducation sexuelle auprès des adultes fait également partie de nos valeurs, nous publions souvent des articles éducatifs sur notre blogue (ici). Par exemple Comment prendre de bons selfies osés ? ou bien Comment se départir de ses jouets de façon écologique ?.
-Depuis combien de temps avez-vous débuté votre projet d’entreprise, quelles ont été les grandes étapes marquantes ?
L’entreprise que ma famille a fondée a plus de 50 ans. C’est un domaine qui est évidemment assez particulier, puisqu’on vend des produits qui sont un peu gênants selon nos mœurs et tabous personnels. Cependant, il est tout à fait fantastique de constater que les nouvelles générations sont plus ouvertes à ce genre de produits en plus de ne pas ressentir la gêne d’en parler entre ami.e.s.
Une étape marquante a été de moderniser l’entreprise qui était en retard au niveau procédural. Financièrement, l’entreprise était en santé lorsqu’on l’a reprise, mais avait besoin d’être mise à jour, technologiquement parlant. Au cours des premières années, on a revisité notre vision et les valeurs de la marque, renforcé le sentiment d’appartenance chez nos employés, amélioré les ressources humaines et finalement, modernisé la technologie utilisée. Nous avons changé tous nos sites web et nous avons maintenant une personne dédiée au clavardage en direct pour répondre aux clients qui posent des questions en ligne. Notre plateforme informatique à l’interne a aussi grandement évolué. Évidemment, la propulsion de la marque via les médias traditionnels est un enjeu pour nous : nous devons jongler avec les réglementations et censures en vigueur.
Nous avons huit boutiques que nous avons uniformisé pour qu’elles se retrouvent toutes sous la bannière Boutique Séduction. Nous avons également développé les aspects sociaux et environnementaux via différents projets en incluant un angle inclusif dans notre marketing ainsi qu’en revisitant nos pratiques écoresponsables.
À notre boutique située au 5220 boulevard Métropolitain Est, nous avons une mezzanine où prennent place notre galerie d’art qui accueille des artistes canadiens et québécois ainsi qu’un petit musée. En ce moment, nous accueillons trois artistes Montréalais. Le musée, quant à lui, met en valeur la collection privée d’items érotiques ou associés à la sexualité qui appartient à Claude Perron, le fondateur de l’entreprise. C’est une petite exposition qui retrace entre autres l’évolution des vibromasseurs pour adulte.
-Être une femme entrepreneure, est-ce que c’est plus difficile ? As-tu rencontré des obstacles ?
J’ai évidemment quelques petites anecdotes à ce sujet, mais le fait d’être une femme ne m’a jamais arrêté. Malgré ma personnalité plutôt introvertie, je suis d’abord une fonceuse et une visionnaire. J’ai beaucoup d’idées et les mener à terme est la plus grande récompense à mes yeux. Étonnement, être une femme dans mon domaine a parfois été un avantage. J’ai l’impression que les gens me prenaient plus au sérieux lorsque je parlais de santé sexuelle. Il y a quelque chose de fort et d’inspirant dans le fait d’entendre une femme s’exprimer à ce sujet. Il y a un côté vulnérable mais à la fois rassembleur. Du moins, c’est ce que je ressens lorsque je lis et j’entends d’autres femmes s’exprimer sur le sujet!
Si je réfléchis à comment c’était avant pour moi lorsque je devais voyager en Chine, il y a 15 ans de cela, je me souviens en effet que j’étais la seule femme dans toute l’industrie. Il y a aujourd’hui beaucoup de femmes à la tête d’un grand fournisseur aux États-Unis, mais sinon les femmes sont encore loin d’être majoritaires; on arrive tranquillement à un équilibre.
-Qu’est-ce qu’il faut savoir à propos de votre sélection de produit ? Des favoris ?
Notre clientèle est composée à 50% d’hommes et 50% de femmes. Les gens viennent souvent en couple ou en groupe d’amies, magasiner pour un cadeau, par exemple. Généralement, une personne va revenir 2 à 3 fois par année ou viendra nous visiter pour des événements spéciaux comme Halloween, Noël ou la Saint-Valentin.
Dans la boutique de l'avenue Mont-Royal, nous vendons beaucoup de lingerie. Les bas et bas de corps (stockings et bodystockings) sont très populaires. On a une marque de lingerie faite au Québec qui s’appelle Blush. On a beaucoup de stock pour le département lingerie bien que ce soit une petite partie de la boutique.
Au niveau des produits érotiques, il faut savoir que nous avons une sélection très grande. Le vibrateur sous toutes ses formes est un produit qui se vend en grande quantité. La couleur qui se vend le plus est le mauve puisqu’il s’agit d’une couleur assez universelle.
Il est important de savoir également que nous avons quelque chose pour tous les portefeuilles. Un.e client.e peut ainsi venir nous voir et trouver facilement un petit quelque chose pour la soirée, juste pour briser la routine. On est là aussi avant tout pour le plaisir, pour prendre soin de soi.
-Quel est l’objet précieux dans votre espace de travail ?
À mon bureau, j’ai bien entendu une photo de mes enfants, mais j’ai aussi un globe terrestre sur pied qui m’a été offert par mes employés il y a des années. Cet objet représente pour moi leur reconnaissance de mon travail et mon intégration dans l’équipe.
-Une anecdote positive et inattendue à partager ?
L’une de nos politiques les plus chères est le respect de la vie privée des gens. Nous ne pouvons donc pas raconter ce qu’un.e client.e a dit ou acheté. Je n’ai donc pas d’anecdote au sujet de notre clientèle, d’autant plus que je ne suis plus tellement en contact direct avec eux aujourd’hui, pour être honnête!
Cela dit, dans mon rôle de cheffe d’entreprise, j’ai eu l’occasion d’aller à l’émission Tout le monde en parle ce qui fut une expérience mémorable. Ztélé a également créé une émission qui s’appelait Sexe Shop en 2017 où l’on racontait l’histoire et le quotidien de notre entreprise, de notre famille et des tendances du marché. Ça a vraiment été une expérience positive pour moi, mais aussi pour l’entreprise, car j’ai pu montrer qui était derrière la Boutique Séduction et ça m’a donné la chance de démystifier la sexualité devant des millions de personnes.
-Une anecdote plutôt négative à partager ?
Dans mon rôle de leader d’entreprise et de chef de file dans mon domaine, je me suis toujours confronté à des embuches liées à l’industrie dans laquelle je travaille. Il faut constamment justifier nos demandes de locations, de financement et même de recrutement auprès de certaines institutions. C’est une bataille constante; parfois nous sommes victorieux et parfois non. Mais la cause en vaut la chandelle!