La bijouterie familiale J. Omer Roy célèbre ses 100 ans
La bijouterie J. Omer Roy, située au 1658 Avenue du Mont-Royal est, célèbre cette année son centenaire. Elle est la plus vieille bijouterie familiale du Plateau-Mont-Royal. Nous sommes allés à la rencontre de l'équipe afin de parcourir, le temps d’une discussion, leur 100 ans d’histoire sur l’une des artères commerciales les plus importantes de Montréal.
Discussion avec Rafael Cruz, responsable et membre de la famille par alliance de la famille Roy
Historique
Au siècle dernier, en 1919, Josephat Roy, connu toute sa vie sous le prénom d’Omer, prend en charge la bijouterie du magasin à département Le Mont-Royal situé au 1 Avenue du Mont-Royal ouest, à l’angle du boulevard Saint-Laurent [1]. En 1921, le joaillier s’installe dans ses locaux actuels et quitte le grand magasin. Ce dernier, durement frappé par la crise économique, ferme boutique au début des années 1930.
Jusque dans les années 1940 la bijouterie porte le nom Les bijoutiers Roy et frères puisque Raphaël et Alphonse, frères d’Omer, sont ses partenaires d’affaires, avant de partir tous deux à leur compte sur la rue Saint-Hubert [2]. Les enfants d’Omer travaillent à tour de rôle au commerce familial. André et Georges prendront le relai. Aujourd’hui, Normand, fils d’André dirige le commerce, et ce, depuis 1986 [3]. D’autres membres de la famille y travaillent, préservant ainsi son véritable caractère familial.
L’implication dans la vie commerçante et locale est commune aux trois générations de Roy qui ont tenu la bijouterie. J. Omer Roy a été conseiller municipal et président de la Corporation des Bijoutiers du Québec (CBQ). Son fils André a également endossé ce dernier poste en plus de s’être dévoué pour l’entraide entre les commerçants de l’avenue [4]. Normand suit les traces de son père et de son grand-père en s’impliquant notamment dans la Société de développement de l’Avenue du Mont-Royal, en tant que trésorier au CBQ et au groupe de bijoutiers GEMME [5].
L'évolution d'une bijouterie
-Vous allez fêter vos 100 ans, comment a évolué le commerce un siècle après son ouverture?
-L’industrie a changée. Aujourd’hui, les principaux bijoux convoités sont les bagues de mariage et les montres. Internet a tout chamboulé, évidemment. La bijouterie maintient son succès en offrant tout ce qu’internet n’offre pas : le service personnalisé.
La clientèle et la signification des bijoux ne sont également plus les mêmes. Les célébrations religieuses comme le baptême, la première communion, la confirmation, les noces de bois, les noces de porcelaine, etc. étaient toutes des occasions d’offrir des bijoux. J’ai retrouvé une vieille carte d’affaire sur laquelle les dates d’anniversaire de mariage sont inscrites et associées à un matériau ! Notre clientèle est passée d’une clientèle ouvrière, avec certains hommes d’affaires importants, à une clientèle plus huppée. Le Plateau accueille beaucoup d’artistes et d’intellectuel.le.s soucieux des qualités des produits qu’ils achètent. Il y a un désir d’acheter des bijoux bien travaillés.
-Vous êtes la première et la seule bijouterie du Plateau à vendre des diamants du Québec, (extraits de la mine Renard à la Baie James), qu’est-ce que cela dit sur votre commerce?
-Ça montre justement que notre clientèle est sensible à l’origine des bijoux qu’elle achète. Parce que ces diamants viennent du Québec, nous connaissons mieux les conditions dans lesquelles ils sont produits.
-Comment pouvons-nous qualifier le bijou aujourd’hui, serait-il devenu un accessoire presque identitaire?
-En quelque sorte. On le voit avec les lunetteries telles que « Les Branchés » (1821 Avenue du Mont-Royal Est). C’est un accessoire de luxe revendicateur de notre style, de qui nous sommes. Il prend part à notre identité.
-Les histoires de l’Avenue du Mont-Royal et de la bijouterie semblent avoir évoluées de façon similaire, est-ce exact?
-C’est certain que le succès de la bijouterie est fonction de la santé économique de l’Avenue. Les initiatives qu’on y trouve bénéficient au commerce. De notre côté, il faut avoir une façon de se distinguer des autres, par exemple avec nos diamants du Québec.
-Quels ont été les événements marquants de la bijouterie?
Il y a eu le grand incendie de 1960. Malgré son ampleur, la bijouterie s’était rapidement remise en quelques jours. L’incendie d’octobre 1974, moins féroce, a tout de même porté plus de dommages; il s’est déclenché pendant la grève illégale des pompiers de la ville de Montréal (« le week-end rouge [6] »). La bijouterie a dû fermer pendant 4 mois. Il y a eu les cambriolages, une dizaine en 100 ans. En raison de ces événements, les assureurs obligent les bijouteries à installer divers dispositifs de sécurité. C’est pour cela que nous avons deux portes magnétiques, dont une seule peut être démagnétisée à la fois. Le magasin n’est pas fermé parce que la porte ne s’ouvre pas ! Ce sont les employés qui doivent ouvrir aux clients. Finalement, l’installation de l’enseigne en 1950 et sa réinstallation suite à son reconditionnement en 1993 ont été marquants pour le commerce.
-Comment comptez-vous souligner le 100e anniversaire de J. Omer Roy?
-Dans un premier temps, il y a la vente d’anniveraire, à l’instar de celle qui a eu lieu pour le 99e anniversaire. Dans un deuxième temps, nous avons préparé une exposition rétrospective avec des anciens bijoux et d’autres objets que la bijouterie vendait il y a 40, 50, 60, 70 ans. Nous avons retrouvé un ancien livre comptable où toutes les ventes sont écrites manuscrites. Nous invitons les clients à voir l’exposition. Il s’agit d’une fenêtre stupéfiante sur le passé du commerce familial.
Article rédigé par Florence Clermont
[1] Mémoire du Mile End, « Magasin Le Mont-Royal » 25 novembre, 2016, https://memoire.mile-end.qc.ca/fr/magasin-le-mont-royal/.
[2] J. Omer Roy, « Notre histoire » 31 mars, 2015, http://jomerroy.com/notre-histoire/.
[3] Ibid.
[4] Alain Martel et Jocelyn Groulx, « La tradition commerciale au Plateau Mont-Royal : Une affaire de ténacité », Continuité, n°66 (1995) : 35-37. https://id.erudit.org/iderudit/17244ac.
[5] J. Omer Roy, Loc. cit.
[6] Camillie Laurin-Desjardns, « Une ville abandonnée par ses pompiers », Le journal de Montréal, 26 octobre, 2014, https://www.journaldemontreal.com/2014/10/26/une-ville-abandonnee-par-ses-pompiers.